Chapitre 5 : l'opinion publique
INTRODUCTION : Qu’est-ce que l’opinion publique ?
Au XVIIIe siècle, avant la Révolution française, l’opinion publique désigne d’abord l’opinion d’une fraction limitée de la population : elle est produite par la discussion entre des esprits « éclairés » sur les bonnes décisions à prendre pour le pays.
Avec l’extension du droit de vote et de la démocratie, la volonté du peuple devient la principale source de légitimité du pouvoir. L’opinion publique devient alors l’opinion du plus grand nombre, l’opinion dominante sur un sujet d’intérêt général ou sur un problème social.
Elle est mesurée aujourd’hui par les sondages d’opinion, mais ceux-ci sont une construction politique et médiatique, historiquement située. Les sondages d’opinion ne représentent donc qu’une fraction de ce que pense la population sur des sujets dont les questions peuvent être fortement orientées.
1. Les méthodes de construction des sondages d’opinion
1.1 Méthode aléatoire/méthode des quotas
Les instituts de sondages constituent un échantillon représentatif qui va permettre d’éviter d’interroger des millions de personnes. Deux techniques de constitution des échantillons sont utilisées :
- la méthode aléatoire : par tirage au sort dans une liste de la population que l’on souhaite interroger.
- la méthode des quotas : Il s’agit d’identifier des caractères (sexe, Age, PCS, etc.) susceptibles d’influencer l’opinion sur le sujet étudié. Ensuite, un échantillon va être constitué ayant la même proportion d’individu possédant ces caractéristiques que dans la population générale.
Les méthodes récentes de sondage par internet ne garantissent pas le fait que les personnes répondant au sondage soient représentatives de la société française ni que leurs réponses sont honnêtes.
De plus, le mode de recueil des données n’est pas neutre (face-à-face, téléphone, internet).
Selon le contexte social ou le moment historique, l’opinion mesurée n’est plus la même. Pour le contexte social, interroger un individu sur ses opinions politiques dans une réunion de parti politique dont il est membre et devant les autres adhérents, ou seul chez lui, ne donne pas les mêmes résultats. De même une question sur le rétablissement de la peine de mort posée au lendemain de la révélation d’un crime odieux, modifie les opinions recueillies, par rapport à la période ordinaire.
1.2 La formulation des questions
Un sondage nécessite la réalisation d’un questionnaire qui peut comporter des questions ouvertes (permettant un développement) et des questions fermées (oui/non par ex).
La formulation des questions n’est pas neutre.
Par exemple, lorsqu’il y a la possibilité de répondre « sans avis », le nombre de sans réponses est plus fort dans les milieux défavorisés. Lorsqu’il n’y a pas de possibilité de répondre « sans avis », on peut se demander est-ce que, pour ne pas paraître ignorant, les personnes interrogées ne répondraient-elles pas parfois au hasard ?
Les questions posées reflètent très souvent les préoccupations des commanditaires du sondage et sont formulées de telle manière qu’elles aboutissent au résultat escompté.
1.3 Les marges d’erreur
Il existe une marge d’erreur qui varie en fonction de la taille de l’échantillon. Plus l’échantillon est petit plus la marge d’erreur est grande.
Par exemple, si on a un échantillon de 1000 personnes interrogées et que le résultat trouvé est de 50% (par ex en faveur d’un candidat à l’élection présidentielle) la marge d’erreur est de 3.1% : le candidat peut donc avoir 46.9% ou 53.1% d’opinion favorable, chiffres qui changeraient fondamentalement le résultat de l’élection.
2. Quelle est l’influence des sondages d’opinion ?
Malgré les critiques, les sondages se multiplient et ils jouent un rôle de plus en plus important dans le fonctionnement de la démocratie. On parle de démocratie d’opinion.
DEMOCRATIE D’OPINION : mode d’exercice de la démocratie dans lequel l’opinion publique, construite par les sondages, devient l’acteur central de la vie politique qui influence l’action des gouvernants et des partis politique. Hachette.
Elle est caractérisée par la personnalisation des candidats, l’emprise des médias et des sondages et de plus en plus des réseaux sociaux, le marketing politique (la petite phrase par ex).
- Effets ambigus sur participation électorale : Lors des élections on peut s’interroger sur l’influence des sondages politiques sur le vote. Effet « bandwagon » (effet d’entrainement qui bénéficie au candidat en tête dans les sondages) ou effet « underdog » (remobilisation pour le candidat donné perdant). Ou alors augmenter l’abstention car tout est déjà joué !
Pour éviter la manipulation des opinions, les sondages électoraux sont interdits dans la semaine qui précède les élections.
- Apports positifs des sondages : ils alimentent le débat public et illustrent la diversité des opinions, permettent de mieux connaitre les préférences des citoyens et de forger cette opinion. Ex : sur la question du nucléaire ou des questions d’écologie.
Ils fournissent au gouvernement des informations (en dehors des élections) et permettent d’orienter son action. Ex : hausse de pouvoir d’achat suite aux manifestations des gilets jaunes. Ainsi, l’opinion publique assure un contrôle permanent des dirigeants politiques au-delà de la séparation des pouvoirs.
- Effets négatifs : Les sondages sont utilisés par des lobbies pour manipuler les citoyens (fake news). Les sondages influencent les programmes politiques, le choix des candidats et les mesures politique prises (ex : inciter les politiques à privilégier le court terme et des mesures populaires). La communication politique doit en tenir compte. Ex : se montrer sur les lieux d’une catastrophe, les petites phrases chocs, etc.
La médiatisation croissante et le markéting politique transformeraient la scène politique en un théâtre de l’apparence et de l’émotion.
Conclusion : Avec la multiplication des sondages, les instituts ont réussi à faire croire en l’existence de l’opinion publique qu’ils prétendent mesurer. Puisque le personnel politique et les journalistes croient aujourd’hui à l’opinion publique, les mouvements que lui prêtent les instituts de sondage ont des effets politiques sur la stratégie des hommes politiques et les analyses des médias. L’opinion publique que mesurent ces instituts a de ce fait acquis une existence.